Au temps jadis où le cheval parlait comme nous parlons aujourd’hui, il allait guerroyer ; il était respecté et aimé. On ne l’égorgeait pas pour le manger et il était traité avec révérence. À cette époque existait un village interdit aux femmes. Celles qui essayaient d’y pénétrer périssaient ou devenaient à jamais stériles. Près de ce village se trouvait un autre. Le roi de ce deuxième village avait une fille, belle et séduisante. Elle s’appelait Yassama et avait un cheval grand, fort et très loyal.
Yassana avait une particularité. Elle arrivait malgré sa beauté à se faire passer pour un homme dès qu’elle enfilait un vêtement de cavalier. Un jour, sûre d’elle, elle décida de se rendre dans ce fameux village interdit aux femmes malgré la protestation de ses parents. C’est ainsi qu’un matin, elle s’habilla comme les chevaliers, monta sur son cheval et partit avec ses frères. Mais, dès qu’ils rentrèrent dans le village, le fétiche du village s’écria :
– Hakoi ! hakoi ! Parmi ces étrangers, il y a une femme ! Faites-les tous sortir de notre village, car ils l’ont souillé, et un malheur va nous frapper !
On fit venir les étrangers chez le chef du village, mais personne ne vit de femme parmi eux. Le fétiche cria une nouvelle fois :
– Hakoi, faites sortir ces étrangers ! Le village est souillé, un malheur va nous frapper !
Vite, les villageois réfléchirent à un plan pour découvrir l’intrus. Le cheval, fidèle à sa maitresse, dit alors à Yassama :
– Gare à toi ! Ils cherchent à te découvrir. S’ils te donnent de l’eau pour te laver, ne prends pas l’eau chaude. S’ils t’offrent de la viande, ne mange pas la viande cuite.
Yassama suivit à la lettre les recommandations de son cheval et échappa ainsi au piège. Ils purent ainsi rester dans le village. À la fin de leur séjour, les villageois organisèrent une course de chevaux au cours de laquelle Yassama les battit tous. C’est alors qu’elle montra ses seins et fit savoir qu’elle était une femme. Enervées, les villageois la poursuivirent, mais ne purent la rattraper. Le fétiche du village se transforma alors en pluie pour l’atteindre. Son cheval enleva sa peau pour la protéger, car il savait qu’elle deviendrait stérile si cette pluie la mouillait.
Joyeuse, Yassana rentra avec ses frères à la maison. Mais quand son père lui demanda de raconter son voyage, elle expliqua que le cheval n’avait rien fait et qu’elle s’était débrouillée toute seule. C’est alors que le cheval, choqué, hennit et décida d’arrêter de parler aux êtres humains.